Tous les mois, retrouvez sur Lyon Demain, l’édito de Bernard Devert, président fondateur d’Habitat et Humanisme
Chaque mois, Bernard Devert, président-fondateur d’Habitat et Humanisme, nous fait part de sa réflexion sur la société qui nous entoure avec son lot d’espoir et d’inquiétude… Son édito s’intitule, en ce mois de novembre : « A vous toutes et tous, acteurs d’humanité, belle fête en ce jour de la Toussaint« .
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La Toussaint est une fête pour tous ceux qui prennent du temps et donnent de leur énergie pour un monde plus juste, plus humain.
Les Saints ne sont pas des héros. Loin de vouloir se placer sur le podium de la charité ils sont attentifs à ceux qui, restés au bord du chemin, voient alors des mains se tendre. Un possible s’éveille.
La mission de tous ces acteurs d’humanité, toujours discrète, offre une lumière diaphane venant secouer la torpeur d’un monde assailli par le repli sur soi et asservi par des cultures conférant aux idées de puissance une domination.
La sainteté est une bénédiction au sens étymologique du mot ; bénir, c’est vouloir du bien, finalement s’ouvrir à la spiritualité de la fraternité, l’autre n’est plus un anonyme ; il est un frère, une soeur.
Lamartine dit que l’égoïsme et la haine ont une patrie, la fraternité n’en a pas. Tous, ne vivons-nous pas sous le même soleil et la même terre, ne respirons-nous pas le même air ; tous, un jour, nous nous effacerons, les uns laisseront la trace d’une solidarité, d’autres celle d’une possession constituée de ces avoirs qui aveuglent et rendent sourds à l’écoute de la détresse.
Les Béatitudes commencent par ces mots : « Heureux, bienheureux ». Qui n’a pas fait l’expérience de cette joie de regarder l’autre non pas à partir de ce qu’il a, mais de ce qu’il est ; il s’ensuit une relation nouvelle, née de cette petite semence, la tendresse. Magnifique source de l’espérance qui, seule, permet de sortir des accablements et des défaitismes. Se dessine alors un autre paysage, pourtant dans celui-ci, que, seul, le cœur permet de voir.
La sainteté, souvent cachée, est rayonnante.
L’Apocalypse parle d’une foule immense de témoins. L’Evangile n’évoque pas les vertueux mais les artisans de paix, de justice, tous les hommes et femmes de bonne volonté, décidés à briser les finitudes, non point avec des armes, mais en acceptant de vivre désarmés.
N’est-ce pas courir tous les risques, il est pour le moins celui de l’espérance si bien écrit par le poème de Yehuda Amichaï :
L’endroit où nous avons raison ne donnera jamais naissance à des fleurs, au printemps.
L’endroit où nous avons raison est dur et piétiné comme une cour,
mais doutes et amours restaurent le monde comme une taupe, comme une charrue.
La grâce de ces mots est en creux de la réplique de Jeanne d’Arc, dans le film de Bruno Dumont : « Mon Maître, les hommes sont comme ils sont, mais il nous faut penser, nous, à ce qu’il faut que nous soyons ».
Le Royaume du cœur n’est-il pas cet appel à aller à contrecourant, plus encore à laisser courir en nous ce désir d’entrer dans une intimité qui se fait silence pour s’en tenir à ce qui est à faire : défaire ces nœuds gordiens pour libérer l’espérance.
Tout est grâce, disait Thérèse de Lisieux qui fit de sa clôture un espace infini de liberté. Son secret, aimer et se laisser aimer, ce lien existentiel qui fait exister autrement.
Acteurs d’humanité, bonne fête de la Toussaint !
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