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« La misère, cette sourde violence cachée » Bernard Devert

Bernard Devert est le président et fondateur d’Habitat et Humanisme. Régulièrement, il nous fait part de son regard sur la société. Ce mois, son édito s’intitule « 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère »

« 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère »

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« 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère »

17 octobre, une journée, fût-elle mondiale, ce qu’elle n’est pas encore, pour refuser l’inacceptable, cette sourde violence cachée sous un habit pudique nommé misère aux multiples haillons.

La vraie misère, dit-on, ne se voit pas. Ne serait-ce pas plutôt qu’elle se glisse dans la banalisation du mal. Un fourre-tout rejeté dans l’arrière monde, où la lumière jamais ne pénètre, ou si rarement. L’actualité donne du prix aux multiples mirages de cette part d’inhumanité si prégnante et pesante née de la légèreté des êtres, cause de tant d’indignité et de mépris.

Cachée… on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. Il nous faut apprendre à nommer cet essentiel, le rechercher, le désirer, afin de laisser au cœur toute sa place, la première place.

Un combat, celui du refus de la déshumanisation

Un combat, celui du refus de la déshumanisation, à commencer par cette part de soi-même qui nous tire vers l’entre-soi, ce « bouclier » paré de bien des vertus pour se présenter comme une protection nous mettant à distance de l’autre.

La misère, dans une telle situation, devient endémique.

Notre civilisation rappelle l’homme roué de coups, laissé pour mort. Qui l’a sauvé, non pas le prêtre, le lévite, mais un étranger suffisamment libre et par-là même étrange avec son propre soi pour lui laisser une place et en faire son hôte.

François Cheng a des mots très justes ; je vous les partage.

De l’étrange étranger à la pâle,

Figure, toussotant dans le vent,

Qui t’a un instant fixée de son regard,

D’ange, ou même esquissé un sourire,

trop vite évanoui dans la vaste nuit.

Le Samaritain était habité par l’humilité, cette force désarmante qui fera dire à Bernanos (Sous le Soleil de Satan) qu’elle, seule, désarme l’esprit du mal.

L’humilité, la clinique du soin

17 octobre, journée de ce soin de l’autre dans l’esprit des soignants. Ils nous épargnent des grands mots, attentifs aux blessures, pour que la vie retrouve souffle par le miracle de leurs mains.

L’humilité, la « clinique du soin », trouve ici une plénitude de sens. Comment ne pas comprendre que l’heure n’est pas de renverser la table mais de la partager aux oubliés de nos Sociétés. Une telle opération ne se fait pas sans quitter les anesthésies des pouvoirs et des savoirs, non plus que les addictions de la superficialité.

Là, dans cette relation d’écoute et du prendre-soin, l’essentiel parle au cœur, guérit des séductions qui occultent la compassion et la compréhension de l’autre.

Une sagesse surgit pour voir enfin les murs qui enferment, ceux-là mêmes auxquels on s’était habitué pour ne rien voir, ou si peu.

Alors ce jour du refus de la misère vient traverser nos jours pour nous mettre au pied du mur après avoir entendu cet appel désarmant d’avoir à lutter contre la violence, contre toute violence dont celle de la misère.

Le mur est haut, trop haut. Cependant l’audace qui en résulte est à la hauteur de l’humilité de la mission qui nous échoit, conférant l’énergie pour commencer à le lézarder. Ne voyez-vous pas, une lumière diaphane déjà transparaît.

Bernard Devert

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Bernard Devert
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