Tous les mois, retrouvez sur Lyon Demain, l’édito de Bernard Devert. En ce mois de mars, il est question du film de Justine Triet « L’Anatomie d’une Chute »
Chaque mois, Bernard Devert, président-fondateur d’Habitat et Humanisme, nous fait part de sa réflexion sur la société qui nous entoure avec son lot d’espoir et d’inquiétude… Son édito s’intitule, en ce mois de mars « De la chute au sommet ».
Ecoutez le podcast…
Le thriller de Justine Triet, l’anatomie d’une chute, nous plonge dans le drame d’un couple qui se défait dans la violence.
Ce film, au scénario bien construit, est récompensé par la palme d’or à Cannes et 6 Césars lui ont été décernés, ce 23 février. Un succès !
Cette chute relève-t-elle d’un assassinat ou d’un suicide né du désespoir. L’enfant de ce couple, Daniel, âgé de 11 ans, malvoyant, laisse entendre, quasiment voir qu’il quitte l’enfance prématurément et pour cause, pour devoir habiter soudainement une responsabilité qui le met sur un sommet.
Les juges et le jury s’en remettront finalement au discernement de l’enfant.
Je n’ai pu m’empêcher en voyant ce film de penser à tous ces enfants dont le début de la vie est le déjà-là d’un drame, pour être confrontés à l’indifférence sociale qui assassine l’espoir.
Quelle chute ; elle est la nôtre, elle est la mienne.
Qui s’interroge sur l’anatomie d’une telle chute de crainte, sans doute, du verdict qui en résulterait, fût-ce en recherchant des alibis, pour le moins des circonstances atténuantes, celles de nos indignations.
S’indigner, c’est sûrement nécessaire mais ce n’est pas encore agir.
L’enfant de ce couple ne s’indigne pas ; il est malheureux de la détresse qui l’entoure et c’est avec un regard attristé, blessé, qu’il offre une lumière tout intériorisée pour donner une chance à la vie, à celle-là même qui demeure sa mère.
Tout alors est transformé, bouleversé.
En écrivant ces mots, j’éprouve une colère contre moi-même pour ne pas parvenir à trouver cette vision créatrice d’un autrement pour plus de 3 000 enfants et leurs mères, actuellement à la rue.
Je pense à Maurice Zundel, poète et mystique, qui nous donne à entendre ce mot d’enfant : « maman, maman, je t’ai fait naître ». Magnifique !
Les désordres tenaces de notre Société qui l’accablent ne sont-ils pas liés précisément à ces atermoiements pour décider enfin de mettre de la vie là où elle se dérobe.
Le chemin, chacun le pressent, est celui qui monte vers des sommets ; ils ne peuvent être atteints qu’en se libérant de ce qui nous relie aux funestes illusions se présentant sous les signes de la fatalité et la facilité. Le débat intérieur de l’enfant dans le film de Justine Triet les met à distance.
L’anatomie d’une telle crise nécessite du courage pour consentir à discerner ce qu’il faut changer et changer en soi-même aux fins de substituer à la culture de mort, celle de la vie et d’une vie pour tous.
Là, commence le chemin pour gravir vers les sommets.
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